(Une porte s’ouvre brusquement, l’ami se fait agripper et embarquer, la porte se referme. On entend des bruits de tortures, mélange de chair et de fer, crescendo jusqu’au silence)
Edit: fin de scène 3 (Une porte s’ouvre brusquement, l’ami se fait agripper et embarquer, la porte se referme. ) Scène 4.(silence total, absolu. L’homme se débat avec des bruits de torture de plus en plus violents venus de derrière la porte que lui seul semble entendre. Le muet l’accompagne. )
(L’homme en mouvement permanent, sort, revient avec toutes sortes d’objets, qu’il pose entre lui et son ami qui essaie de parler mais n’y parvient jamais. Le muet l’assiste dans l’empilement des affaires tout en s’amusant avec les objets, ajoutant du désordre à l’ordre. Peu à un peu un labyrinthe se forme qui l’enserre complètement et rejette son ami au-dehors. Le muet continue de faire et défaire. On tambourine à la porte.)
Non non non non je ne peux pas je ne peux être père c’est pas possible pas là pas maintenant je ne serai jamais prêt il faut que je bosse tout est violent autour de nous tu as entendu ils ont déclaré la guerre on ne sait même plus pourquoi de toute façon tout le monde fait la guerre à tout le monde tu te rends compte ils m’ont dit mais monsieur on ne peut rien pour vous l’hôpital est en ruine et les gynécologues sont débordés vous n’êtes même pas une femme un monstre un salaud alors comme ça ils veulent vraiment tout nous piquer même la maternité salopard j’ai essayé de me faire aimer hein bien souvent ça n’a jamais marché toujours on finit par te rejeter tu ouvres tes bras on t’accuse de vouloir tromper trahir adoucir étouffer ne pas poser les limites faut un cadre faut des cadres arrêter de brouiller les repères le père tu sais qu’ils ont enlevé son cadavre le père tu crois qu’ils l’ont enlevée avec elle qui d’abord déterre les cadavres tous des nécrophages les croyants les impies il y en a qui ont voulu en faire une idole tu as vu toutes les statues nous sommes la patrie de l’homme juste prospérez donnez vos ventres gardez les frontières méfiez vous des envahisseurs vigilants ne vous faites pas endormir leur culture n’est pas la nôtre nous sommes les garants de la vie face aux adorateurs de mort tuons les assassins les idolâtres tu entends ce discours moi je ne peux pas ils m’ont dit tu cherches quoi fils de Satan tiens ton rôle d’homme tu dois protéger ta famille donne-nous ton temps et ton sang mon sang ne m’appartient pas comment je n’ai pas signé de contrat de confiance et il prétend fonder une famille une assurance s’il vous arrive quelque chose ou un de vos proches nous vous proposons 5 catégories jamais jamais on ne vous laissera entrer il faut avoir fait ses preuves comment dois-je vous appeler pas monsieur quand même non je te dis je n’y arriverai jamais tu as vu mes bras tu as vu mes jambes je confonds ma droite et ma gauche mes lacets sont tout le temps défaits je trébuche je rougis je bafouille je dois reprendre mes études sans diplôme on n’arrive à rien aujourd’hui je comprends rien je n’y arriverai jamais je suis incapable de me concentrer j’ai zéro ambition je suis un faible j’ai jamais rêvé d’avoir une maison je ne protège personne les gestes protecteurs me font vomir quand je regarde ces couples qui déambulent dans la rue je vois un bras qui lancement enserre et prend possession et glisse doucement sa proie jusqu’au suicide je ne crois qu’en un amour où est-elle il n’y a qu’elle amour véritable ça cogne de tout côté le moindre bruit me fait sursauter les néons m’agressent et l’ombre m’efface il faut structurer tout ça je dois m’organiser reprendre les choses dans l’ordre faire des choix me présenter à 9h15 exactement au bureau militaire passer des examens c’est la guerre il faut protéger les ventres de la nation et mon ventre à moi je le protège comment ce bébé dans mon ventre sans sa mère l’accouchement j’accouche comment moi on va m’ouvrir le ventre et on ne va trouver qu’un gros tas de viscères le bébé sera parti étouffé par mon angoisse plus il grandit plus elle le comprime je ne sais plus si c’est lui ou elle que je sens à tous les coups il est mort il faut que je passe un scanner une liste il me faut une liste avec des numéros d’urgence voilà un téléphone aussi qui marche 24h sur 24 on ne sait jamais non non non reprend tes esprits c’est facile tu peux y arriver on trouve facilement des guides partout maintenant il n’y a qu’à les appliquer aïe je me suis coupé voilà je saigne j’en ai foutu partout et la vaisselle qui s’entasse j’ai acheté un lave-vaisselle neuf et rien à faire ça ressort toujours sale résultat quand je devrais ranger je dois tout reprendre à la main et la vie a continué et les choses se sont accumulées tout autour elles sont où mes preuves d’amour je dois retourner travailler il faut que j’arrête de parler je dois me taire et retourner au travail je ne serai jamais prêt pour l’accouchement où est-elle la mort les viols les agressions la misère je n’ai toujours pas éradiqué la misère tu te rends compte je vais lui dire quoi moi oui mais on s’aimait tellement la misère attendra la famille est une abomination bourgeoise je suis une abomination bourgeoise l’amour est un luxe
(ils rentrent comme ils sont sortis) Où est-elle Reprend un peu de vin Je sens dans mon ventre Quoi J’ai vomi Une si belle fête en vérité Je crois, je n’ose pas le dire Accouche C’est impossible Si tu le dis C’est elle, ça ne peut être qu’elle Ta parole elle-même sibylline à présent Tu l’as vue, il faut que je lui parle (silence) Ton silence est d’or Je suis là, je t’écoute (silence) Est-ce de la joie ou de la tristesse C’est un bouleversement Dois-je m’inquiéter ou me resservir à boire Je crois Oui Je suis Oui Tu ne me croiras jamais Je serais un drôle d’ami Tu es drôle parfois Oui Agaçant quand on ne te comprends pas Quel miroir me présentes-tu Mais toujours à l’écoute Parleras-tu enfin Il m’arrive une chose incroyable, merveilleuse, improbable Tu excites ma curiosité Tu te souviens de notre première rencontre J’étais là moi aussi Elle t’avait rendue visite Oui, je me souviens Sans toi mon ami je ne l’aurai jamais rencontrée Tu me flattes, c’est le hasard J’ai tout de suite senti mais j’ai fait semblant de ne pas croire La chose réjouissante Une douce peur C’est l’amour, tout le monde le sait Ce que je vais te dire Oui Aujourd’hui je devrais pleurer le mort et je pleure de joie Assurément, tu as compris le sens de la fête C’est elle qui devrait l’entendre Parle mon ami (silence) (silence) Je suis enceinte (silence) Ne reste pas sans voix à ton tour Elle est puissante celle qui féconde les hommes, qu’on serve du vin Je vais être père
(il sort, les deux autres trinquent puis le suivent)
(3 hommes, l’un d’entre eux reste silencieux, il ne parlera pas de toute la pièce) Tout est dit Oui Passons en silence Oui Pourquoi tu répètes oui sans arrêt Nous sommes d’accord D’accord sur quoi Oui Tu recommences, ça n’a aucun sens Oui, ça part dans toutes les directions Quoi Quoi, oui Ohlala (il effectue une danse) Tu danses à présent Tu n’as pas envie de danser, qui n’a pas envie de danser, tout le monde a envie de danser, tout le monde danse (Tout le monde danse) Pourquoi je danse moi aussi Tu danses parce que tu es en vie Et lui, ce n’est pas indécent de danser devant lui Il est mort, il ne danse pas, il s’en fiche S’il dansait, il ne serait plus mort S’il n’était plus mort, nous danserions à réveiller les morts Mais les morts ne dansent pas Non Ils te donnent envie de danser Oui Étrange Être vivant, c’est tout Bref Oui Il recommence Oui Tu ne vas jamais te taire (silence) Silence de mort (silence) Ta femme vient Pas encore, elle veut rester avec le mort, c’est son père après tout Il se décompose Il repose en paix Tout d’abord, c’est notre père à tous, les vivants ont besoin d’elle, on ne peut pas rester avec le mort Allons nous joindre aux autres, ça la fera venir Elle est puissante Oui (il regarde derrière lui, les deux autres avancent, ils sortent)
Je comprends le geste de Pénélope. Vois, elle n’a qu’un motif, alors elle le décompose et le recompose sans cesse avec le fil du temps. Dans les assemblages nuageux du chaos, la figure familière finit toujours par apparaître. Pénélope tend la main qu’un jour une chaleur de soleil saisira puis elle dissipe avec ses rêves la fiction de la vie.
Une femme se lève. Ce n’est pas pour toi qu’elle se fait belle, c’est pour accueillir la beauté. Contemple son geste, sa main frêle ordonne au temps de s’arrêter.
Je me promène dans ma pensée comme à travers la ville, en quête de l’éphémère, l’émotion qui demain ne sera plus, la rêverie nouveau-né, sourire à la camaraderie innocente d’une association d’idées, le bruissement d’une hésitation, un cortège de mots bohèmes qui modifie le parcours. Et soudain, les éclats d’une phrase simple.